François Bayrou : rigueur à haut risque, la France au pied du mur

Le 16/07/2025 0

 

Paris, 16 juillet 2025 – C’est un Premier ministre grave, presque austère, qui s’est présenté hier pour détailler son plan budgétaire « hors norme ». Pendant plus d’une heure, il s’est livré à une longue litanie. Egrenant les mesures de restriction, voire punitives, François Bayrou entend réaliser 43,8 milliards d’euros d’économies en 2026, afin de contenir un déficit abyssal et rassurer les créanciers internationaux. À ses yeux, « l’urgence est un devoir ». Mais cette brutalité assumée pourrait bien fracturer encore davantage une société déjà sous tension.

Une méthode de rupture : l’argument choc de la dette

François Bayrou a martelé des chiffres qui claquent comme des sommations : 5 000 € de dette supplémentaires chaque seconde, une France à 115 % du PIB d’endettement, et un déficit qui filerait à 5,8 % en 2025.

Face à cette spirale, le chef du gouvernement revendique une stratégie de choc, sans états d’âme : pas de longues négociations, pas de grandes conférences sociales, mais une loi de finances qui « remet tout à plat » dès septembre.

Certains y voient le courage politique qui a tant manqué ces dernières décennies. D’autres, comme l’éditorial de Libération, dénoncent une forme de « brutalité démocratique », qui court-circuite les corps intermédiaires et se passe de débat social réel.

Austérité frontale et symboles explosifs

L’annonce la plus polémique reste sans doute la suppression de deux jours fériés, dont le lundi de Pâques et le 8 Mai, censée « doper la production » et envoyer un signal aux investisseurs.

Autre pilier du plan : en 2026, aucune revalorisation des prestations sociales ni des retraites. Un gel total, couplé à un blocage des barèmes d’imposition. Pour Bayrou, il s’agit de « contenir la machine budgétaire ». Pour les syndicats, c’est un scénario catastrophe : « On appauvrit des millions de familles pendant que l’inflation rogne déjà les revenus », alerte la CFDT.

Bayrou prévoit de ne pas remplacer un fonctionnaire sur trois, soit 3 000 postes supprimés dès l’an prochain, et exige 5,3 milliards d’euros d’économies supplémentaires des collectivités locales. Les maires de petites communes seront les premiers touchés alors que les dotations de l’Etat sensées compenser la suppression de la taxe d’habitation, notamment, fondent comme neige au soleil.

Seul le budget de la Défense est épargné avec une hausse de 3,5 milliards. Bayrou assume un choix stratégique dans un « monde menaçant ». Paradoxalement, la santé reste dans l’étau budgétaire, même si le Premier ministre promet un plan anti-déserts médicaux « avant la fin de l’été » — sans en détailler ni le financement ni les moyens humains.

À peine l’allocution terminée, LFI, le PS le RN et même une partie des Républicains rejetaient les mesures annoncées et certains annonçaient étudier une motion de censure commune.

Les syndicats, eux, préparent une rentrée de septembre explosive, certains responsables CGT parlant déjà de « faire du 2025 un nouveau 1995 », en référence aux grandes grèves contre Juppé.

Difficile de contester le diagnostic de Bayrou sur la dérive de la dette : 30 ans de « tango fatal », selon ses mots, ont conduit la France au bord du précipice. Mais cette franchise budgétaire, sans amortisseurs ni dialogue véritable, risque d’aboutir à l’effet inverse : fracturer encore plus la société et délégitimer la réforme, ouvrant grand la porte aux populismes.

Reste à voir si la France acceptera cette potion amère au nom de « la sauvegarde des générations futures » — ou si, au contraire, elle choisira de renverser l’ordonnance, au risque d’une nouvelle crise politique majeure.

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