La loi pour les agriculteurs aurait-elle du plomb dans l’aile ?

Le 24/07/2025 0

En pleine crise agricole, le gouvernement pensait apaiser le monde rural. Mais la loi Duplomb, votée en urgence en juin 2025, ravivent d’autres colères – celles des scientifiques, des écologistes et d’un nombre croissant de citoyens. Son article 3, au cœur de la polémique, assouplit les conditions d’usage de l’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde déjà pointé du doigt pour ses effets délétères sur la biodiversité et soupçonné de présenter des risques sanitaires.

Acétamipride : une menace insidieuse

Classé par l’EFSA comme toxique pour les abeilles, l’acétamipride est l’un des rares néonicotinoïdes encore autorisés en Europe. Mais plusieurs études récentes renforcent les soupçons d’effets neurotoxiques sur l’homme, notamment chez les enfants, ainsi que des perturbations endocriniennes et une possible bioaccumulation dans l’environnement. Son autorisation, même partielle, est perçue comme un recul majeur dans la lutte contre les polluants agricoles.

Les partisans de la loi, dont la puissante fédération des agriculteurs la FNSEA, évoquent un gain de productivité de 10 à 15 % pour certaines cultures (colza, betterave), notamment face à des ravageurs devenus résistants. Mais l’usage élargi d’un produit potentiellement dangereux va à l’encontre du principe de précaution, inscrit dans la Constitution. Une rentabilité immédiate ne saurait justifier une exposition prolongée des populations à des substances à risque.

Plusieurs instituts comme l’INRAE proposent depuis des années des solutions agroécologiques : bandes fleuries, auxiliaires naturels, biopesticides ou rotations de cultures. Ces approches, bien que plus complexes à mettre en œuvre, garantissent une durabilité réelle. Or, la loi Duplomb opte pour la voie chimique, sans engagement clair de transition ni soutien financier à l’innovation écologique.

Une contestation citoyenne qui explose

Face à ce passage en force, la société civile s’est mobilisée. Une première pétition lancée par un collectif d’associations écologistes et de médecins, « Pas d’acétamipride dans nos champs, ni dans nos assiettes ! », a déjà récolté plus de 850 000 signatures. Une plainte a été déposée devant le Conseil d’État, et plusieurs parlementaires ont saisi le Conseil constitutionnel.

Mais la surprise vient d’une étudiante de 23 ans, Éléonore Pattery, qui a lancé la pétition « Non à la loi Duplomb – Pour la santé, la sécurité, l’intelligence collective ». En à peine cinq jours, elle dépasse les 500 000 signataires, pour atteindre plus d’1,6 million à ce jour. Son message, clair et sans militantisme caricatural, a touché un large public. « Je suis juste une citoyenne qui lit les rapports scientifiques et refuse qu’on compromette notre santé pour des gains à court terme. »

Cette double mobilisation a mis une pression inédite sur le pouvoir exécutif. La Conférence des présidents à l’Assemblée nationale devra trancher sur un possible débat parlementaire exceptionnel. En parallèle, le Conseil constitutionnel est appelé à statuer sur la légalité du texte face au principe de précaution.

Un soutien nécessaire aux agriculteurs 

Le dilemme est réel : soutenir des agriculteurs en difficulté est primordial et d’une nécessité absolue face à la situation financière catastrophique qu’ils subissent mais, à l’inverse, protéger la santé publique et la biodiversité est tout aussi fondamental et vital.

Le politique ne veut pas trancher sur la question et préfère céder à la solution de facilité du pesticide sans s’engager parallèlement à mettre en œuvre d’autres solutions pour, en finalité, arriver à faire disparaître tout produit chimique de notre agriculture.

Cette opposition est fallacieuse. L’État a le devoir de garantir les deux. Cela passe par une politique agricole forte de transition, alliant une juste rémunération, une protection sociale digne des agriculteurs avec un accompagnement technique et un investissement dans les alternatives durables.

Avec la loi Duplomb, la France choisit de reculer là où elle aurait pu innover. La mobilisation massive des citoyens, incarnée notamment par Éléonore Pattery, montre qu’une autre voie est non seulement possible, mais exigée. Santé publique et agriculture ne sont pas incompatibles. Il est temps de sortir d’une logique d’urgence pour construire une politique cohérente, responsable, et alignée avec l’avenir.

Les agriculteurs sont le grenier alimentaire de la France, ils ne doivent pas être les boucs-émissaires de l’irresponsabilité politique en matière de santé publique.

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