Jeudi 24 juillet, en visite au commissariat du XXe arrondissement de Paris, Bruno Retailleau a dévoilé un « plan anti-mortiers » présenté comme une réponse urgente aux agressions contre les forces de l’ordre. Qualifiés d’« outils des barbares », ces mortiers d’artifice détournés de leur usage initial feraient désormais partie de l’arsenal des délinquants.
Le ministre promet une série de mesures : intensification des saisies, renforcement de la coopération avec les douanes, blocage des sites de vente en ligne et surtout, un projet de loi à la rentrée visant à alourdir les peines encourues (jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour usage détourné). Une offensive législative qui marque un durcissement assumé du discours sécuritaire.
Mais si la posture est claire, le dispositif n’est pas entièrement nouveau. Des mesures similaires avaient déjà été amorcées sous des gouvernements précédents, notamment via la plateforme Pharos ou des arrêtés préfectoraux temporaires. La volonté de fermeté affichée se heurte, une fois encore, à la difficulté d’enrayer un phénomène qui relève aussi du terrain judiciaire, éducatif et social.
La loi contre le narcotrafic activée à l’échelle préfectorale
Sur un autre front, Retailleau a également fait valoir la mise en œuvre de la loi votée en juin 2025 contre le narcotrafic. Une circulaire adressée aux préfets le 24 juillet précise les outils désormais à leur disposition : fermeture administrative de commerces suspectés de blanchiment, « interdiction de paraître » sur certains lieux sensibles, injonctions de résiliation de bail pour les locataires identifiés comme trafiquants.
Ces instruments visent à désorganiser localement les réseaux, dans une logique dite « d’éradication méthodique ». L’ambition est claire : marquer une rupture avec une certaine tolérance de fait dans les quartiers minés par le trafic.
Mais ici aussi, les critiques sont récurrentes. Plusieurs syndicats de police, déjà interrogés ces derniers mois, s’inquiètent d’une répétition des mêmes mécaniques : des textes nouveaux, peu accompagnés de moyens supplémentaires. Les délais d’application, les difficultés de coordination locale et l’épuisement des personnels constituent des freins bien connus à l’efficacité de ce type de mesures.
Un agenda politique sous-jacent
Derrière cette séquence sécuritaire estivale, certains observateurs relèvent une logique de positionnement politique. Bruno Retailleau se place comme un défenseur de l’ordre face à une opinion publique souvent préoccupée par les questions de sécurité.
Le vocabulaire employé ne laisse guère de place à l’ambiguïté : « France des salauds », « guerre contre les narcotrafiquants », « armes de prédilection des barbares ». Une rhétorique qui peut séduire une partie de l’électorat, mais qui interroge sur ses effets à moyen terme.
Des élus locaux, des travailleurs sociaux et même certains policiers s’inquiètent de la place laissée à la prévention et à l’accompagnement dans ce type d’approche. L’absence de stratégie transversale risque, selon eux, de réduire l’impact de ces mesures à de simples coups d’éclat.
Une promesse d’efficacité à confirmer
La tentation du tout-répressif est un classique des périodes préélectorales. Bruno Retailleau ne déroge pas à la règle, en multipliant les annonces et en revendiquant une ligne dure. Mais au-delà des effets de communication, c’est bien la capacité à produire des résultats tangibles qui déterminera la crédibilité de cette politique.
Sans moyens accrus, sans pilotage local renforcé, et sans complémentarité avec les acteurs du terrain, les plans du ministre risquent de rejoindre la longue liste des initiatives restées sans impact durable. L’urgence sécuritaire est réelle, mais sa gestion nécessite plus que des slogans : elle appelle une cohérence d’ensemble.