La République ne peut tolérer que ses représentants — policiers, pompiers, soignants — soient pris pour cible dans un climat de guérilla urbaine. À Béziers, c’est un appartement incendié et un policier brûlé. À Limoges, dix fonctionnaires de police blessés par des projectiles et des cocktails Molotov. Ces violences sont pensées, coordonnées, et surtout assumées. Il faut une réponse judiciaire ferme, visible, cohérente. Trop souvent, la chaîne pénale se délite dans des rappels à la loi inefficaces, nourrissant l’idée que tout est permis, qu’il n’y aura pas de sanction.
Ces jeunes ne sont pas simplement « livrés à eux-mêmes ». Ils sont captés par des logiques criminelles bien structurées, dès 10 ou 11 ans. Recrutés comme guetteurs, coursiers ou revendeurs pour quelques euros, ils entrent dans une hiérarchie parallèle qui valorise la transgression et promet des revenus rapides. À Marseille, plus d’un tiers des interpellés pour trafic de stupéfiants sont mineurs.
Cet enracinement de la délinquance s’explique aussi par le recul massif des politiques de la ville : disparition des éducateurs de rue, asphyxie budgétaire des dispositifs de prévention, suppression des animateurs de quartier. Le vide laissé par la puissance publique est un terreau fertile pour les trafics et les affrontements territoriaux.
Lutter contre le découragement structurel
Depuis quinze ans, je l’affirme et le répète aujourd’hui ! La réponse ne peut être uniquement sécuritaire. C’est pourquoi je suis convaincu qu’elle doit s’accompagner d’un réinvestissement profond et cohérent dans une vraie politique de la ville, économique et sociale. Ce n’est pas un luxe : c’est une nécessité stratégique. Des solutions existent mais encore faut-il les mettre en œuvre.
Le constat se caractérise par un découragement structurel, un des fléaux les plus insidieux qui gangrènent les quartiers abandonnés. Ce n’est pas seulement une lassitude passagère, mais une fatigue enracinée dans le temps. C’est ce qui s’installe lorsque les habitants, les jeunes, les familles, les professionnels de terrain ont vu passer des plans, des promesses, des ministres… sans qu’aucun changement réel ne s’ancre durablement. C’est le sentiment que la République a toujours quelque chose à dire mais rarement quelque chose à faire.
Pour les jeunes, cela devient un conditionnement : pourquoi s’accrocher à l’école, à une formation, à un emploi précaire quand les copains gagnent plus en une semaine sur un point de deal ?
Pour les familles, c’est une résignation : elles voient leur quartier se déliter, leurs enfants glisser, sans savoir à qui s’adresser, sans croire que quelqu’un leur répondra. Et pour les acteurs sociaux — éducateurs, animateurs, médiateurs — c’est parfois un abandon de poste, faute de soutien, de reconnaissance, de perspectives.
Lutter contre ce découragement, c’est reconstruire une chaîne de confiance. Cela demande des politiques lisibles, suivies, évaluées, financées. Il faut cesser d’annoncer pour ne pas agir. Il faut des résultats concrets : une école réouverte, un éducateur embauché, un jeune raccroché. Car la première étape du redressement, c’est de prouver que l’État ne revient pas pour punir, mais pour tenir parole.
Restaurer l'autorité mais pas seulement
La République ne se résume pas à une brigade de CRS. Elle doit être capable d’imposer le respect de ses lois tout en offrant une perspective à ceux qui n’en ont plus. Restaurer l’autorité, oui — sans ambiguïté. Mais reconstruire les quartiers abandonnés, réhabiliter l’idée même de la solidarité, c’est indispensable. L’un ne va pas sans l’autre.
Car si l’ordre est un pilier fondamental, il ne peut se substituer à l’équité, à la justice sociale, et à une vision d’avenir. Et ce n’est qu’en assumant cette double exigence que les problèmes commenceront à se régler !
La pérennisation de la présence policière dans des quartiers abandonnés depuis des décennies ne sera possible qu’à cette condition. Mais nos décideurs en auront-ils le courage et la volonté politiques ?
Rien n’est moins sûr quand la question sécuritaire est un slogan électoral plus vendeur, pour une population qui n’en peut plus de la délinquance, que de parler de social !
A ce jour, l’ordre est garanti et maintenu autant que faire ce peut par l’ensemble des forces de sécurité intérieure, dernier rempart avant l’anarchie et le chaos, mais pour combien de temps encore ?